Le poulet en papillote. [Photo provided to China Daily]
Des côtes enveloppées dans du papier. [Photo provided to China Daily] |
La gastronomie française et la chinoise présentent de telles similitudes que dans leurs principes fondamentaux, elles sont la plupart du temps le reflet l’une de l’autre. Explications d’une journaliste auteur de livres de cuisine.
Rien ne sert de poser des questions sans réponse pour savoir laquelle des deux a précédé l’autre. Les gens dotés d’un bon palais et d’une bonne connaissance des ingrédients arrivent généralement aux mêmes conclusions, sans même avoir besoin de se consulter.
Par exemple, les chefs chinois tout comme les français savent que le fait d’envelopper et de cuire des aliments dans du papier permet de préserver leurs meilleurs arômes naturels. Alors qu’en France on désigne cette méthode par la formule « en papillote », les chefs chinois, faute d’une même sophistication linguistique, se contentent d’accrocher un préfixe – paper-wrapped chicken, paper-wrapped ribs, paper-wrapped fish (poulet, côtes, poisson enveloppés dans du papier)… Peu importe.
Tout cela me passait au-dessus de la tête. Petite fille, je ressentais comme un rare plaisir la visite en famille d’un élevage de poulets pour déguster la spécialité que constituait le poulet en papillote.
Le chef abattait, marinait et enveloppait la volaille seulement quand il en recevait l’ordre, si bien que l’attente pouvait être longue avant de passer à table. Mais cela ne faisait rien. Il y avait de quoi se distraire.
Il y avait des poulets qui caquetaient dans d’énormes cages, étendant le cou pour picorer pleins d’espoir dans leur auge. En général, le fermier répandait une poignée de fourrage s’il voyait des enfants traîner dans les parages, de sorte que les poulets étaient habitués à fréquenter les gens, même des enfants cacophoniques.
Il y avait aussi des pigeons à la couronne exotique et au plumage chatoyant qui étaient vraiment magnifiques dans leur démarche. C’étaient des animaux domestiques, pas de la nourriture.
Il en allait de même pour les paons, qui avaient toute la cour de la ferme pour eux à les voir se pavaner avec mépris, battant l’air avec leur queue pour frimer devant les femelles en admiration, et n’ayant pas peur de s’approcher des petits humains que nous étions.
Le fermier gardait par ailleurs un cerf-souris, une minuscule créature si timide qu’elle restait tout le temps tapie dans un coin, se confondant avec le feuillage environnant. Elle mettait notre vision à l’épreuve, mais à part ça, elle n’était pas très intéressante.
Une fois qu’on avait rendu visite à tous les animaux, les adultes commençaient à sonner le rappel pour nous faire revenir à table. Le repas était enfin prêt.
Sur le plateau tournant au centre de la table était posé un plat débordant de petites papillotes graisseuses. Placé tout à côté, un bol ou saladier en acier inoxydable était destiné à recevoir toutes les enveloppes en papier dont on se séparait.
Même avant que le poulet n’atteigne nos lèvres, notre nez flairait l’arôme. C’était un mélange de vin chinois, de jus de gingembre et d’autres ingrédients assortis, secrets.
En enlevant le papier graisseux, les adultes veillaient toujours à récupérer les jus et s’assuraient que les gouttes en retombaient soit dans le bol de riz, soit sur un plateau de simples vermicelles de riz frits. Les enfants se contentaient de se lécher les doigts.
Le poulet était toujours tendre, et si parfumé que c’était comme un tourbillon dans la bouche.
La première sensation était procurée par la graisse et la peau du poulet légèrement croustillantes, la chair tendre et cuite juste à point de sorte que les jus en jaillissaient à chaque bouchée. Le summum, c’était la marinade faite d’un mélange sophistiqué de jus de gingembre et d’une eau de vie chinoise piquante au parfum de rose. La dégustation inspirait presque un plaisir coupable à un enfant.
Les adultes se permettaient d’accompagner le repas de bière et de leur propre whisky qu’ils avaient apporté, mais les jeunes n’avaient le droit de se régaler que de poulet, dont les senteurs de vin nous donnaient le sentiment de faire partie des grands.
Des années plus tard, l’élevage de poulet a été sacrifié au profit de l’expansion urbaine et nos réunions de famille se sont estompées dans la mémoire. Alors j’ai appris à cuisiner.
Un Noël, j’ai décidé de faire du poulet en papillote pour voir si je pouvais en faire renaître le goût. Je suis heureuse de dire que la recette a eu tellement de succès que le plat fait partie de mes spécialités dans l’un des livres de cuisine que j’ai publiés. Avec une bonne préparation, c’est un plat qui n’est pas trop compliqué à faire pour un groupe de convives.
Encouragée par le succès de la recette, je me suis lancée dans la cuisson en papillote à la chinoise. L’ingrédient suivant que j’ai enveloppé dans du papier, c’est un carré de côtes douces inspiré des fameuses côtelettes de porc de Wuxi.
Il vous faut un carré de petites entrecôtes, parce qu’elles sont tendres et juteuses. Il vous faut aussi du sucre brun de la meilleure qualité, un bon panachage de cinq épices en poudre et du vinaigre noir chinois, de préférence de Zhenjiang.
Les deux recettes produisent des mets délicieux à manger avec les doigts et sont idéales pour un grand nombre de convives, surtout si vous disposez d’une friteuse à air sur le comptoir.