Inscriptions oraculaires : une découverte accidentelle
Section d’inscriptions oraculaires sur une carapace de tortue datant de l’époque du roi Wuding (1250-1192 avant notre ère) sous la dynastie Shang. Elle est conservée à la bibliothèque nationale de Chine et constitue le plus ancien relevé chinois connu sur des grêlons. [Photo Provided to China Daily] |
Les origines de l’archéologie en Chine vont main dans la main avec la découverte d’inscriptions oraculaires sur des ossements (jiaguwen), dont on pense qu’elles étaient les plus anciens caractères chinois connus.
Tout a commencé un jour d’été en 1899, lorsque Wang Yirong, directeur du collège impérial de la dynastie Qing (1644-1911), attrapa le paludisme et remarqua par accident d’étranges traces gravées sur ses remèdes naturels, des longgu – des fossiles osseux d’anciens vertébrés, tels que des fragments d’omoplate de bœuf ou des écailles de carapace de tortue. Il sauta de joie et rassembla plus de 800 autres morceaux pour en commencer l’étude. Grâce à lui, les éléments osseux portant des inscriptions ont échappé à leur précédent destin d’ingrédients médicamenteux pour devenir des matériaux d’une précieuse valeur historique.
Liu E (Liu Tieyun) est l’homme qui a popularisé une étude jusqu’alors obscure. Il commença sa collecte deux années après Wang Yirong et en 1903, publia Turtle Collection of Tieyun (collection de tortues de Tieyun), le premier livre sur les études d’os d’oracle qui répertoriait 1 058 éléments de sa collection et identifiait plus de 40 caractères, dont 34 étaient exacts. En comparant les inscriptions oraculaires sur les os avec celles relevées sur du bronze, il établit que les os portant des inscriptions étaient des reliques datant de la dynastie Shang (environ 16ème siècle-11ème siècle avant notre ère).
Quelques années plus tard, Luo Zhenyu, un spécialiste des études classiques, apprit d’un antiquaire que les os en question avaient été découverts dans le village de Xiaotun, connu jadis sous le nom de Yin et intégré aujourd’hui à la partie ouest de la ville d’Anyang, dans la province du Henan. Il y envoya ses proches pour ramasser les ossements qui avaient été déterrés. En 1911, M. Luo avait rassemblé plus de 20 000 éléments. À partir des inscriptions osseuses, il identifia plus de 10 titres d’empereurs Shang, confirmant ainsi que les os étaient des reliques de cette dynastie, et que Yin était l’une de ses anciennes capitales.
En interprétant la calligraphie chinoise gravée il y a plus de 3 000 ans, il expliqua aussi les anciennes lois, légendes et institutions pour tenter de mettre de l’ordre dans l’histoire et la culture Shang par le biais de la généalogie royale, des lieux ayant servi de capitale et des systèmes politiques.
En 1911, Wang Guowei, un universitaire éminent et spécialiste des études sur les inscriptions oraculaires osseuses, transféra son intérêt pour la littérature à la philosophie. Il vérifia les connaissances sur plusieurs empereurs Shang et prouva que l’histoire de cette dynastie telle qu’écrite dans les Shiji (les registres du Grand Historien) était fondamentalement fiable, malgré quelques erreurs. Sa méthode de la double démonstration, qui conjugue les preuves fournies par les documents écrits avec celles des objets archéologiques, a grandement influencé la recherche archéologique en Chine.
Pour décourager les fouilles illégales, le gouvernement a entrepris une opération archéologique officielle aux ruines de la dynastie Yin (Yinxu) en 1928. Les vestiges d’un palais royal, de tombes royales, d’habitations et de sites funéraires des masses, d’offrandes sacrificielles, d’une fonderie de fer, de bronzes, de sculptures de jade, de canalisations de drainage et d’autres objets ont été découverts plus tard.
Aujourd’hui, les inscriptions sur les os d’oracle sont désignées comme une découverte qui fait date en raison de leur importance pour la recherche tant sur l’écriture chinoise que l’histoire Shang, et pour leur contribution au développement de l’archéologie en Chine.