Deux techniciens inspectent les roues d’un train à grande vitesse dans un centre de maintenance à Nanjing, dans la province du Jiangsu. [Provided to China Daily]
La conférence annuelle est confrontée à de sérieuses interrogations au moment où la présidence Trump menace d'ébranler le statu quo.
L'avenir de la mondialisation sera l'un des grands sujets de discussion au Forum économique mondial de Davos, estime un économiste éminent.
Selon Stephen Roach, maître de recherche au Jackson Institute of Global Affairs de l'Université de Yale, si la plupart des participants au forum sont partisans d'un monde globalement plus intégré, leurs thèses souffrent de plus en plus d'un manque d'adhésion populaire.
« Où va au juste la mondialisation ? », s'interroge-t-il. « La mondialisation fait l'objet d'un rejet de taille, c'est ce qui nous a valu le Brexit, c'est ce qui nous vaut l'avènement de Trump, et c'est ce qui pourrait nous valoir l'élection de Marine Le Pen en France. Telles sont les pressions qui vont être activement débattues et examinées à Davos ».
Le forum, qui se tiendra du 17 au 20 janvier, sera le premier en 46 ans d'existence à voir la participation d'un chef d'État chinois, Xi Jinping devant y prononcer un discours liminaire. Pour He Yafei, ancien vice-ministre au sein du ministère chinois des Affaires étrangères, la présence du président est le signe que la Chine entend jouer désormais un rôle plus important sur la scène mondiale.
« Depuis la crise financière de 2008, la Chine est appelée à jouer un plus grand rôle dans la gouvernance mondiale », estime M. He. « Cela ne veut pas seulement dire qu'elle est parvenue à un certain niveau en tant que premier fabricant et exportateur mondial. À cette seule aune, la Chine est une puissance de premier plan. Ce qui est cependant plus important, c'est qu'elle a commencé à proposer ses propres idées et sa propre façon de voir sur des programmes concrets en matière de gouvernance mondiale et d'intégration régionale ».
Le forum de cette année s'achèvera le jour de l'investiture de Donald Trump comme 45ème président des États-Unis, et l'orientation future tant de la politique économique que de la stratégie politique américaines va planer lourdement sur les participants, parmi lesquels figureront de nombreux dirigeants mondiaux.
« Le contexte est extrêmement incertain en ce moment, et personne ne veut se risquer à des prévisions fermes sur ce que l'on peut attendre du futur ordre du jour américain », avoue Duncan Innes-Ker, directeur régional pour l'Asie au sein du service de renseignements du groupe The Economist à Londres (Economist Intelligence Unit). « On ne pourra voir ce que seront les propositions de l'administration lorsqu'elle sera en place ».
L'une des principales préoccupations concerne l'éventualité d'un retour au protectionnisme des années 1930.
Au cours de sa campagne électorale, M. Trump a proposé une augmentation tarifaire de 45% sur les produits importés de Chine, et il a récemment indiqué qu'il imposerait un relèvement de la taxe à la valeur ajoutée sur les produits américains comportant des éléments importés.
Edward Tse, fondateur et président-directeur général du cabinet-conseil en gestion Gao Feng Advisory et auteur de The China Strategy, est persuadé que l'ombre du protectionnisme va être très prégnante. « Ce sera indubitablement l'un des thèmes majeurs de la conférence, et je pense que l'un des messages que le Président Xi adressera sera de ne pas s'engager dans un mode isolationniste mais de poursuivre la mondialisation. Je crois que Davos est le bon endroit pour souligner ce message ».
Wang Huiyao, directeur du centre de réflexion Center for China and Globalization à Pékin, estime qu'il importe de ne pas être trop pessimiste sur la mondialisation en tant que concept. « Nous vivons dans un monde globalisé, c'est un fait indéniable. Cela veut dire que l'iPhone assemblé en Chine et les produits vendus par Walmart aux États-Unis proviennent de Chine. Si nous sortons soudainement de ce schéma, ce sera alors au détriment des consommateurs, ces mêmes consommateurs qui semblent aujourd'hui opposés à la mondialisation ».
M. Wang, par ailleurs auteur de China's Historical Choice in Global Governance (Le choix historique de la Chine en matière de gouvernance mondiale), publié en anglais et en chinois, affirme que l'Initiative de la Ceinture économique de la Route de la soie et de la Route de la soie maritime adoptée par la Chine, ainsi que le programme du G20 pour la croissance détaillé dans son plan en 29 points lors du sommet de Hangzhou en septembre dernier, ont défini pour le monde une nouvelle direction à suivre.
« Il y a là des idées relatives à une meilleure coopération entre les pays et la Chine, mais aussi concernant l'innovation en matière de gouvernance mondiale », dit M. Wang. Il estime que l'ère du néo-libéralisme incarnée par le Consensus de Washington et qui domine la pensée économique depuis les années 1980 est désormais de facto révolue.
Cette approche « a été discréditée, en particulier pendant la crise financière, qui a révélé un vide de la pensée. On appelle cela une fragmentation. Le problème, c'est que le Consensus de Washington était une recette toute faite qui n'a pratiquement marché pour personne. Si vous prenez les pays qui l'ont adoptée, ils sont tous sans exception tombés dans le même piège de la stagnation économique et de la division sociale ».
Vincent Chan, directeur général et responsable de la recherche sur la Chine au sein du Crédit suisse basé à Hong Kong, ne doute pas que la discussion à Davos tournera autour de l'incertitude des perspectives économiques actuelles. « Tout est dans une phase de transition. En gros, nous ne pouvons nous faire une idée de ce qui est en train de se passer. Nous cherchons à savoir ce qui va se passer aux États-Unis puisque la relation commerciale sino-américaine est inextricablement liée à la relation politique. Nous ne savons pas non plus quelle sera l'importance probable du contexte de relèvement des taux d'intérêt ».
M. Chan pense que l'économie chinoise pourrait être considérée comme une zone de relative stabilité. « L'économie réelle de la Chine présente moins d'incertitudes par rapport aux autres économies mondiales pour l'instant. L'attention sera plus concentrée sur la valeur du yuan et la poursuite de l'expansion des marchés financiers, car ce sont les curseurs de la stabilité financière de la Chine ».
M. Roach, un ancien président de Morgan Stanley et auteur de Unbalanced: The Codependency of America and China (En déséquilibre : l'interdépendance de l'Amérique et de la Chine), est convaincu que l'on surveillera de près ce que le Président Xi dira au forum. « On voudra l'entendre dire que la Chine reste attachée à la gestion des questions mondiales allant du changement climatique au commerce, mais aussi à l'ouverture chaleureuse de ses marchés et de ses frontières aux autres pays du monde entier ».