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La grande migration annonce le printemps

Par Shao Xinying(China Daily) 17-01-2017

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La grande migration annonce le printemps

L'artiste Ge Tingyou, spécialiste du papier découpé vivant à Fuyang, dans la province de l'Anhui, présentait son œuvre pour l'Année du Coq le 29 décembre dernier. [Wang Biao/For China Daily]

C'est l'époque de l'année où le besoin de voyager s'empare de la quasi-totalité des Chinois. Tout le monde se plaint de la cohue, mais il n'est pratiquement personne qui résiste à l'envie de rentrer « au pays ».

C'est une vérité universellement reconnue ou presque : pendant la Fête du printemps en Chine, qu'on soit riche ou qu'on soit pauvre, on ne saurait échapper au besoin de voyager pour retrouver ses racines.

Chaque année, le commencement de la grande migration nationale annonce le début du festival. Largement considérée comme la plus grande du genre au monde, cette transhumance dure en général 40 jours et commence deux semaines avant la nouvelle année lunaire chinoise, qui tombe en 2017 le 28 janvier, ouverture de l'Année du Coq, et se termine 25 jours après. La période du chunyun s'étend du 13 janvier au 21 février.

Dans l'intervalle, l'une des possessions les plus prisées dans tout le pays, c'est un bout de papier – un billet de train ou de car qui garantira au porteur un voyage aller-retour à sa ville natale. Qu'importe s'il faut faire la queue debout pendant des heures à la gare ferroviaire ou routière, multiplier sans fin les appels ou tenter de se connecter à un système de billetterie : pour des millions de personnes, le sacrifice vaut le coup. Une fois l'exploit accompli, l'heureux titulaire du billet sera rassuré de savoir ses tourments terminés – au moins jusqu'à l'année prochaine.

Pitié, donc, pour le pauvre poète Bai Juyi de la dynastie Tang (618-907), dans un monde sans cars, sans trains, sans téléphone ni Internet, qui se lamentait de ne pouvoir retourner chez lui pendant la Fête du printemps. « Chez moi, c'est à l'ouest du col de Hangu mais j'erre dans la province du Hebei », écrivit-il. « Quel dommage que je sois à Mingzhou alors que nous sommes à la veille de la Fête du printemps ».

En ce temps-là, le retour au pays pouvait prendre des jours, des semaines, voire des mois, selon la lenteur du trajet d'un endroit à un autre, que ce soit par bateau, en voiture attelée ou tout simplement à pied. Rentrer pour un court séjour n'était pas envisageable. Il n'est pas étonnant que les hommes de lettres chinois aient laissé tant de poèmes exprimant leur chagrin devant l'impossibilité d'un retour à la maison.

Grâce à la révolution qui s'est finalement produite dans les transports, en quelques jours, les déplacements sont devenus une réalité, permettant aux gens d'aller d'un endroit à un autre pour un jour ou deux si ce n'est pour quelques heures. D'où le chunyun tel que nous le connaissons aujourd'hui.

Un document publié conjointement par plusieurs ministères début décembre estimait que pendant la Fête du printemps à venir, ce sont près de trois milliards de voyages qui se feront par la route, le rail, par avion ou par bateau. La route représentera deux milliards et demi de ces voyages et le rail, 300 millions, ce qui bien sûr pèsera lourdement sur les infrastructures de transport.

Imaginons un instant la logistique que suppose le départ chaque jour, par la route, de 75 millions de personnes, un phénomène décrit dans un film comique intitulé Lost on Journey (Ren zai jiong tu, ou Perdu en route), qui relate les joies et les tribulations de l'expédition annuelle au pays. Nonobstant les épreuves rencontrées, à savoir le mauvais temps, les foules humaines grouillantes, les complications pour passer d'un avion à un train, puis à un car et finalement à un tracteur, les deux protagonistes finissent par arriver chez eux.

Le calvaire de ces personnages fictifs est le reflet fidèle de ce qu'endurent leurs homologues dans la vraie vie.

« Il faut vraiment que j'aille chez moi pendant la Fête du printemps », dit un financier pékinois qui souhaite garder l'anonymat. « Je n'ai qu'un jour de congé pendant le festival et il est réellement difficile d'obtenir des billets, mais tant pis, il faut que je rentre. Pour moi, la famille réunie, c'est tout. Comment peut-on appeler ça Fête du printemps si l'on ne peut retourner chez soi ? »

En disant cela, l'homme a mis le doigt sur le vif du sujet car la Fête du printemps n'est rien pour les Chinois si ce n'est pas celle des réunions de famille.

« J'appelle ça le complexe du chunyun », dit Wang Weihua, professeur d'études folkloriques et doyen associé de l'École de littérature, de journalisme et de communication à l'Université Minzu de Chine à Pékin. « Les Chinois observent depuis très longtemps cette tradition, qui est enracinée au plus profond d'eux-mêmes. Cela fait partie du psychisme national collectif. C'est pourquoi tout le monde insiste pour rentrer chez soi pendant la période des fêtes. Cela ne se discute pas. On y va ».

M. Wang estime que ce phénomène peut s'expliquer de diverses façons. « Premièrement, le retour au pays est une tradition de longue date avec laquelle on ne peut rompre. Deuxièmement, le festival permet aux gens de redécouvrir leur identité, de se replonger dans le milieu auquel ils appartiennent. Troisièmement, les gens y voient l'occasion de réunions de famille où l'on peut véritablement se détendre et oublier le tourbillon de la vie dans les grandes villes ».

Une bonne partie des millions de voyageurs est constituée par les étudiants, dont les vacances d'hiver commencent et finissent pendant cette période, ainsi que par les travailleurs migrants et les cols blancs qui ont choisi de travailler et de vivre dans une ville loin de chez eux, ou qui y ont été contraints.

« Ces gens représentent le gros des voyageurs à cette époque », précise Wen Jun, professeur de sociologie et d'études en assistance sociale, doyen de la Faculté de développement social de l'East China Normal University à Shanghai. « La plupart d'entre eux feront de longs trajets mais pendant la semaine de vacances proprement dites, ils feront des allées et venues entre les maisons des différents membres de la famille ».

Ces dernières années, le covoiturage est devenu un moyen très utilisé de réduire les frais de voyage et d'alimenter l'importance grandissante de l'économie du partage.

D'autres changements sont intervenus dernièrement dans la façon dont les gens passent la période du festival. Au lieu de rentrer au pays, certaines familles choisissent désormais de partir en voyage et de se retrouver en territoire neutre, dans un endroit où les membres peuvent séjourner séparément et se réunir famille tout en faisant du tourisme, indique M. Wen.

« Auparavant, les gens attachaient plus d'importance aux choses matérielles, mais ils recherchent aujourd'hui de la nourriture spirituelle », explique le professeur. « Dans ce schéma, le chunyun joue le rôle de symbole culturel pour les Chinois, en leur donnant le sentiment d'appartenir à une communauté où tous se reconnaissent ».

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